La véridique histoire d'une voyageuse perdue dans la forêt des Amazones

En octobre 1769, une Créole du Pérou quitte son hacienda à la tête de trente et un porteurs pour ne plus jamais revenir. Elle s’enfonce dans la forêt d’Amazonie... Son but est de rejoindre son mari, qui se trouve alors en Guyane − un mari français, Jean Godin des Odonais, qu’elle n’a pas vu depuis vingt ans.

Mais son expédition se perd, et les voyageurs meurent tous les uns après les autres dans des conditions atroces... tous sauf Doña Isabel. Seule dans la forêt, elle marche pendant près de deux semaines (ou trois mois selon les sources) avant d’arriver à demi-morte à la mission chrétienne d’Andoas.

Comment a-t-elle pu survivre ? Elle a marché « portée par le désir de revoir un époux tendrement aimé », dira Jean Godin des Odonais. Et répéteront à sa suite tous les auteurs qui s’intéresseront à cette histoire classée dans les exemples magnifiques d’amour conjugal. Le dernier en date : Bernard Giraudeau, dans Cher amour.
Pourtant, les raisons de douter sont nombreuses et solides (voyez plus bas à droite). Que s'est-il réellement passé dans la forêt en ce mois d'octobre 1769 ?

Tous les livres pour approfondir le sujet


      Sources principales

Jean Godin des Odonais Relation du naufrage de Madame Godin sur la rivière des AmazonesLettre de M. Godin des Odonais à M. de La Condamine. Ce texte a été écrit à la demande de La Condamine par Jean Godin des Odonais en 1773 et publié en annexe de la réédition de son propre récit de voyage, tome douzième, 1778. Ce texte de Jean est la source de tous les autres livres écrits sur le sujet par la suite. Sa véracité n’a jamais été remise en question, malgré ses incohérences. Je l’ai réparti tout au long de mon livre, soit cité entre guillemets par La Condamine soit mis dans la bouche de Jean lui-même.
Charles Marie de La Condamine Journal du voyage fait par ordre du roi à l'équateur, servant d’introduction historique à la mesure des trois premiers degrés de l’Equateur, Paris, imprimerie royale 1751. L’exemplaire qui m’a servi est conservé à la Bibliothèque d’Amiens.
Charles Marie de La Condamine Relation abrégée d'un Voyage fait dans l'intérieur de l'Amérique méridionale. Depuis la côte de la mer du Sud jusqu'aux côtes du Brésil & de la Guiane en descendant la rivière des Amazones. Je me suis servie de l’édition La Découverte Poche, 2004 parue sous le titre Voyage sur l’Amazone.
Charles Marie de La Condamine Lettre à Madame *** sur l’émeute populaire excitée en la ville de Cuenca au Pérou, le 29 août 1739 contre les académiciens des sciences, envoyés pour la mesure de la terre‎, Paris, 1746. Je me suis servie de l’édition La Découverte Poche, 2004 – texte publié à la fin du volume Voyage sur l’Amazone.
Carlos Ortiz Arellano Una historia de amor, Riobamba, 2000. Ce livre est à ce jour malheureusement inaccessible ailleurs que dans les bibliothèques de Quito et de Riobamba. C’est le mieux documenté sur la partie équatorienne de l’histoire.
Henri Froidevaux, « Documents inédits sur Godin des Odonais », Journal de la Société des Américanistes, 1895-1896) : pp. 91-148.
Don Jorge Juan et Don Antoine de Ulloa, Voyage historique de l’Amérique méridionale fait par ordre du roi d’Espagne, tomes 1 et 2, Paris, 1749.
Condorcet, Éloge de M. de La Condamine, l'un des quarante de l'Académie française, de la Société royale de Londres, et des Académies de Berlin, de Pétersbourg et de Cortone, par Condorcet. Dans Les œuvres complète de Condorcet, tome 1, Paris, 1808.
L’abbé Le Sueur La Condamine d’après ses papiers inédits, Paris, 1911. Consultable à la bibliothèque du Muséum d’histoire naturelle.
Des lettres de La Condamine sont consultables à l’Académie des sciences de paris (Fonds La Condamine, correspondance active et passive) mais sa correspondance privée est pour la plus grande part perdue, ou plutôt dispersée dans le domaine privé.
Jean Descola, La vie quotidienne au Pérou au temps des Espagnols, 1710-1820, Hachette, 1962.
Luis Martin, Daughters of Peru, Women in the viceroyalty of Peru, Southern methodist university press, Dallas, 1983.
Histoire générale des voyages, tome XX, 1773.
Florence Trystram, Le Procès des étoiles, petite bibliothèque Payot, 2001.

Sur Jean et Isabel à Saint-Amand
Plusieurs documents sont conservés à la bibliothèque municipale Isabel Godin (31, cours Manuel, 18200, Saint-Amand Montrond). J’ai consulté :
- un manuscrit inédit attribué à Félix de Grandmaison, Un drame inconnu, résumé de l’aventure d’Isabel d’après le texte de la Relation ;
- une copie du testament manuscrit de Jean en faveur d’Isabel (17 mars 1756) ;
- un article de Marc Lemaire descendant de la famille Godin : « A la recherche de la famille Godin » (Bulletin des amis du musée Saint-Vic, été 1989), p.7-11 ;
- une plaquette : Un Saint-Amandois célèbre, Godin des Odonais, par Henry de Laguerenne, Paris, Honoré Champion, 1913 ;
De Jean Godin des Odonais : Anecdote sur la grammaire péruvienne, octidi 28 thermidor. Lisible sur Googlebooks.

Sur l’enquête faite à Quito
L’enquête faite par l’Audience royale de Quito que j’utilise est intitulée « Sobre la perdida de la familia de don Pedro Grameson en la provincia de Mainas. » Elle a été faite ente mai et décembre de 1770. J’ai feuilleté les originaux aux archives de Quito, mais je suis servi de la transcription intégrale dont elles ont fait l’objet dans le bulletin Archivo nacional de historia (Anarhis), N°18. Editorial Casa de la Cultura ecuatoriana, 1970.


Sur les mœurs des Achuars, et sur la vie dans la forêt
Philippe Descola, Les Lances du crépuscule. Terre humaine, Plon, 1993.
Michael J. Harner, The Jivaro, Los Angeles, University of California Press, 1972.
T.R.P. Magalli, Voyage d’exploration d’un missionnaire dominicain chez les tribus sauvages de l’équateur, Paris, Bureau de l’Année dominicaine, 1889.


Le livre le mieux documenté écrit à ce jour sur Dõña Isabel est :
Robert Whitaker, The Mapmaker’s Wife – A true tale of love, murder and survival in the Amazon. Bantam Book, 2004. C’est dans ce livre que j’ai trouvé les pistes vers des sources autres que françaises.